jeudi 23 août 2018

La question de l'identité dans Maliarka


L’un des principaux thèmes explorés dans Maliarka est celui de l’identité. Cette question est récurrente en littérature. Elle est née presque en même temps que le roman, notamment en Angleterre, au xviiie siècle, à une époque où les bouleversements sociaux (montée de la bourgeoisie, apparition de la classe moyenne), politiques (naissance de la monarchie parlementaire après la révolution dite « glorieuse ») et économiques (essor du capitalisme) ont engendré un besoin de se (re)connaître et de définir. Cette nouvelle forme littéraire, le roman, apparaît dans une société où s’affirme l’individu, qui tente de se situer dans un ordre social mouvant. Nombre d’œuvres publiées au xviiie siècle portent d’ailleurs le nom d’un personnage dont on explore les multiples facettes à travers un récit qui est se prétend authentique pour mieux interroger le lecteur sur sa propre identité. Ainsi en se plongeant dans Robinson Crusoe (Defoe), Pamela (Richardson) ou encore Tristam Shandy (Sterne), c’est chaque lecteur anglais qui tente de répondre à la question : qui suis-je ?

Le thème de l’identité ressurgit toujours avec force pendant les périodes de troubles et de mutations sociales. A l’heure de l’individualisme triomphant, où le selfie est la forme moderne de l’autoportrait, où l’on affiche aux quatre coins de la toile son profil, son statut, où l’on est partout filmé, identifiable et même fiché, on n’a jamais été moins sûr de savoir qui on est vraiment. Les personnalités sont éclatées en multiples fragments identitaires : on est un nom, un prénom, un enfant de, un habitant de, un ami de. On est un métier, un adepte de telle religion, un militant de tel parti. On n’est parfois qu’une série de chiffres, un matricule, un numéro de client. Dans une société capitaliste, on est, bien sûr, avant tout, ce qu'on a. Et –luxe ultime !- on peut désormais être aussi une maladie, un handicap. L’individu serait donc une sorte de synthèse de toutes ces particularités. Etrange mosaïque… Et finalement, à quoi correspond l’image qui apparaît ? Une création sociale ? Une représentation intérieure ? L’apparition des nouvelles technologies complexifie encore la question : quelle place pour l’individu dans le monde numérique ? L’homme, transformé par le nouveau monde qu’il a créé, semble avoir perdu son identité humaine avec la révolution numérique.

Maliarka, elle, a beaucoup de mal à définir son identité. Son enfance itinérante l’a privée de racines, sa famille s’est progressivement dispersée à travers l’Europe : elle ne peut donc pas se définir par une identité nationale ou même une entité familiale. Elle se qualifie donc de ʺmétéoreʺ, réduit ses origines au terme de ʺnulle partʺ. De même, elle parvient difficilement à se situer dans sa relation avec Clément, ignorant quel terme employer pour présenter son compagnon. Clément est, lui aussi, embourbé dans sa double identité culturelle : il est constamment partagé entre le désir de répondre au stéréotype britannique du stiff upper-lip et le flot impétueux d’émotions latines qui l’envahit régulièrement. La serveuse du Madrigal, Lou, qui cherche à tout prix à coller à une image sociale de minceur et de mode, est totalement dépersonnalisée et réduite à un squelette habillé selon les normes en vigueur. Tous les personnages du roman nagent ainsi dans un flou identitaire et le cliché n’apparaît que pour montrer à quel point il est caduc. Dans ce contexte de perte de repères, le chiffre, loin de constituer un symbole cartésien, scientifique, rassurant, représente au contraire une menace, que ce soit celle du compte à rebours ou celle du digicode qui enferme et qui cloisonne.

Et si, finalement, l’identité était à rechercher dans le temps ? Au fil des jours, je deviens. Je suis une expérience de vie. Ainsi, le cheminement de Maliarka se poursuit, même s’il n’est plus géographique. C’est ce bout de chemin que propose le roman, avec, en filigrane, le rappel que l’individu évolue parmi ses semblables : définir mon identité, c’est non seulement trouver ce qui me distingue de l’autre, mais aussi ce qui me rend identique. Nul ne peut exister seul : même Robinson a besoin de Vendredi sur son île. C’est pourquoi, au-delà de la question de l’identité individuelle, Maliarka tente de réconcilier l’individu et le collectif, le personnel et la chose publique.


vendredi 17 août 2018

Maliarka


A l'heure où je publie cet article, mon premier roman, Maliarka, vient de paraître aux Editions Edilivre. Je me suis souvent demandé ce qu'on pouvait ressentir en pareille occasion... Eh bien, personnellement, je me sens partagée. Partagée entre le sentiment de l'accomplissement et celui de l'inachèvement. Partagée entre le bonheur et l'effroi d'avoir rendu public un de mes écrits. Partagée, comme tout auteur, sans doute, entre l'impression de se cacher et celle de s'exhiber à chaque page.
Alors, au lecteur qui viendrait à lire ces quelques lignes, pourquoi ne pas partager aussi l'aventure de Maliarka ?

Thème : Le temps qui reste, résister…

L'histoire Toulouse, septembre 1995. Maliarka, une musicienne d’origine russe, trouve dans sa boîte aux lettres un petit bout de papier sur lequel figure l’inscription 366. Même chose le lendemain avec l’inscription 365. Un doute s’installe dans l’esprit de la jeune femme tandis que le phénomène se reproduit quotidiennement. A quoi correspond ce qui ressemble à un compte à rebours ? Faut-il n’y voir qu’une plaisanterie ? Un avertissement ? Et qui est le messager ? Maliarka cherche la réponse dans son entourage : serait-ce une locataire de la résidence étudiante dont elle est gardienne ? Un mauvais coup de Fichoira, le gardien de la résidence voisine, avec qui elle est en conflit ? C’est bientôt tout son univers qu’elle sent menacé. Et lorsque surviennent les grèves, à l’automne 95, Maliarka commence à envisager une réponse à cette énigme à une échelle plus vaste que celle de sa propre vie.