dimanche 18 mars 2018

Pourquoi ça ne tourne pas rond dans le système scolaire


"Les ministres passent, l’éducation trépasse" OU Pourquoi ça ne tourne pas rond dans le système scolaire. Petit commentaire à propos de l'excellente émission Dans la Gueule du Loup, présentée jeudi dernier par Jacques Cotta sur Le Média.

Le bon débat est comme le bon écrit : celui qui éclaire et non celui qui éblouit. Avec Jacques Cotta, on ʺparle clair ʺ et on ne prétend pas être expert : on vient exposer les vraies raisons de plusieurs décennies de casse du système éducatif. On voudrait nous faire croire qu’il s’est écroulé tout seul ? Que c’est la faute aux enseignants, aux élèves, aux parents ? Dans une pyramide sociale, quand on reçoit un coup sur la tête, en général, c’est au-dessus de nous qu’il faut regarder… Et qu’y-a-t-il au-dessus de nous ? Des ministres. L’OCDE. Et pourquoi chercherait-on à casser l’Education Nationale ? Parce qu’il y a un énorme marché potentiel et que si on laisse les profs faire correctement leur métier, on aura bientôt des populations instruites, intellectuellement émancipées, et donc capables de se rebeller. Et ça, ça fait peur…
Voilà pour le fond du débat, qu’il est bien plus savoureux de visionner intégralement afin de ne pas perdre une miette de tous les détails et nuances qui y sont apportés. Les idées développées m’ont d’autant plus frappée qu’elles étaient soumises aux commentaires critiques de deux invités, dont les arguments n’ont fait que souligner la pertinence. Même s’il convient de rappeler que ces invités ont eu le courage de venir dans une émission qui s’appelle Dans la Gueule du Loup et qu’ils ont dignement alimenté le débat, je ne peux m’empêcher de penser qu’ils constituaient tous deux l’illustration parfaite de l’échec du système.
D’un côté, Madame ma Collègue, l’archétype du coq que l’on trouve en grand nombre dans les écoles de France et de Navarre, qui continue de chanter les pieds dans la m… Alors, chanter, pourquoi pas… Je ne suis pas contre le fait de surmonter les difficultés par l’enthousiasme. Mais quand il s’agit de comprendre d’où vient cette fange dans laquelle on patauge, on se perd en considérations annexes, comme, par exemple, la question de l’inégalité filles-garçons et tous ces sujets subsidiaires dans lequel la médiacratie s’efforce de noyer le débat pour mieux masquer les vrais enjeux : le rôle émancipateur de l’école. En cela, Madame ma Collègue n’est pas un cas isolé : elle représente au contraire une grande fraction de mes collègues : des gens de bonne volonté, mais inefficaces dans la lutte car incapable de repérer le front.
Quant à Monsieur le Maire, c’est pire encore. Il prouve par sa propre histoire que l’école peine à former des citoyens éclairés, et ce, même dans les parcours d’élites. Son discours m’a laissée pantoise : comment un gamin issu d’un milieu modeste de l’Hay-les Roses peut-il devenir un maire DE DROITE ? Au lieu de mettre à profit la chance qu’il a eue de pouvoir s’élever socialement, de chercher par sa position d’élu à réduire les inégalités sociales, il se présente comme un gagnant du système libéral qu’il défend en promouvant son ascension comme la règle alors qu’elle ne constitue qu’une exception. Ses propos mêmes et la faiblesse de son argumentation constituent la preuve flagrante que même la formation des élites n’obéit pas à une logique de réflexion et d’émancipation. Il démontre par sa propre intervention que nous avons une école à former des libéraux, des dociles au système. C’est Le Meilleur des Mondes, la dystopie d’Huxley. On aurait aimé voir un Jean Valjean devenu Monsieur Madeleine… Au lieu de cela, on avait tantôt un bureaucrate qui répétait en boucle qu’il fallait marcher sur ses deux jambes quand on lui expliquait que le savoir ne devait pas être sacrifié à la compétence, tantôt un grand naïf qui s’étonnait de la supercherie de la promesse du dédoublement des CP et des recommandations cyniques de l’OCDE.
Alors voilà, on éteint son poste en chantant : ʺ Il viendra le jour glorieux où dans sa marche vers l’idéal, l’homme ira vers le progrès du mal au bien, du faux au vrai ʺ … Mais la route va être longue et les cerveaux esquintés par 50 ans de merdouilles éducatives difficiles à décrasser…

6 commentaires:

  1. Intéressant cet article. Il a le mérite de recentrer le débat (et le problème) à sa juste place.
    La peur qu'inspire le savoir et la connaissances ne date pas d'hier (pour un peu je penserais au "nom de la rose" d'Umberto Eco que j'adore), mais la manière de tenter d'assujettir le petit peuple en le maintenant dans une ignorance confortable a bien évolué.

    Jean-Marc des chats de l'hôpital, je n'arrive pas à publier mon commentaire comme très très souvent sur Blogspot, donc je passe par "anonyme)
    Il faut avouer que l'évolution technologique a apporté une grande pierre à la triste construction de cet édifice.
    J'ai eu récemment une frayeur qui m'a fait réfléchir.
    Le gamin d'une connaissance se faisait enguirlander par sa môman car passant trop de temps sur ses divers objets dits connectés et leurs divers réseaux paradoxalement dits "sociaux".
    Sa réponse fut fabuleuse , du genre, "mais non tu sais bien que je vais plus sur FaceBook, c'est nul (espoir vite déçu), maintenant je suis sur Instagram , y'a pas besoin de savoir écrire"
    Ben oui. Quand FaceBook devient une référence en matière d'écriture, je me demande s'il reste un espoir ...

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    1. En effet, Jean-Marc, le tableau est bien sombre. L'espoir, néanmoins, est porté par des journalistes / auteurs / intellectuels qui dénoncent la supercherie. La faute aux nouvelles technologies ? Pas autant qu'à l'Europe et à ses technocrates. Le programme d'anglais comporte justement une notion intitulée "l'idée de progrès". Mes élèves ont à réfléchir sur le fait que la technologie n'est responsable de rien : ce sont ceux qui la créent et la manipulent qui décident d'en faire un bon ou un mauvais instrument... Et c'est là qu'on en revient à l'éducation : il faut avoir acquis les réflexes d'auto-défense intellectuelle pour ne pas sombrer dans la propagande, pour ne pas suivre le doigt qui fait diversion en désignant un faux coupable. Le vrai scandale, c'est d'empêcher les profs de jouer ce rôle auprès de la jeunesse: apprendre à ne pas être dupe, ne pas être un sujet manipulable, et en premier lieu maîtriser la langue puisque c'est elle l'instrument principal de la manipulation. Ah ! Si seulement tous comprenaient l'importance de maîtriser le langage ! Mais, tu as raison, se battre contre l'illettrisme n'est plus à la mode. Les élèves sont fiers d'avoir leur tablette et de ne plus avoir à écrire. Ils ne se rendent pas compte du piège dans lequel ils sont tombés... et les rares enseignants qui essaient de lutter et de les avertir sont aussitôt cloués au pilori. Je sais de quoi je parle ! Si l'article t'a plu, je te conseille de visionner le débat, encore bien plus riche et intéressant.
      Amitiés

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    2. Je vais aller regarder ce débat, il m'intéresse
      Je ne dis pas que la technologie est responsable, mais il y a une telle pression autour que cela en est inquiétant. Et elle participe bien involontairement à cet état, car ne pas "faire comme les autres" c'est être exclu.

      Jean-Marc
      On se crée les instrument de notre propre ignorance .. étrange mais réaliste, et en plus consciemment ou non, la plupart des personnes s'y livrent de leur plein gré.
      Cela a toujours été mais actuellement le phénomène prend des proportions inquiétantes car il ne se limite plus à un cercle restreint.
      Mais je suis d'accord sur le fait que l'on désigne un faux coupable. mN'y a t'il pas une part de facilité consentie et consentante ?
      Je te rejoins entièrement sur la maîtrise du langage.
      Et je pense que ce n'est pas anodin cette dégénérescence. Voulue ? Consciente ? Lame de fond ? Ou un peu tout à la fois.
      C'est un sujet qui me perturbe depuis déjà longtemps, je te remercie de l'avoir abordé
      Bien amicalement aussi

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    3. Si tu regardes le débat, tu verras que les conclusions de l'analyse tendent plutôt vers : "ILS créent les instruments pour nous rendre ignorants". Savoir et pouvoir sont liés. Donc, ne surtout pas instruire le peuple. Tout l'enjeu est là. De même, je suis convaincue que les nouvelles technologies sont utilisées pour saper les savoirs, mais c'est aussi grâce aux nouvelles technologies que nous avons accès à ce débat et à cette analyse. C'est donc bien la question de maintenir les populations dans l'ignorance qui est centrale. C'est une volonté politique. Les textes de l'OCDE ne laissent aucun doute à ce sujet.
      J'espère que tu auras pu regarder le débat et que nous aurons à nouveau le plaisir d'en discuter.
      Amicalement.

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  2. Ici on retrouve le côté cévenol des chats -Teignes.

    J'entends mon chat "teigner".

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    1. Très bien trouvé. C'est tout à fait dans l'esprit du blog...

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